Pyrénées, entre Catalogne et Aragon
J’ai le plaisir de vous présenter ici le récit de mon voyage à vélo dans les Pyrénées entre Catalogne et Aragon.
- Alain Postic – Août 2013
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De Saint-Lary-Soulan à Vielha (87 kms)
Ce n’est pas le marin qui prend la mer, c’est la montagne qui appelle le cycliste, qui l’aspire, qui l’inspire.
Ce matin mon état d’esprit est je pense un peu semblable à celui du voyageur qui largue les amarres, qui quitte les repères ordinaires pour une part d’inconnu, d’aventure.
Après ma traversée des Pyrénées de l’Atlantique à la Méditerranée il y a 4 ans, je m’élance ce matin de Saint-Lary-Soulan pour un périple plus modeste sur les routes pyrénéennes côté espagnol.
Pour éviter la route nationale de la vallée, j’emprunte les chemins parallèles, mais tout de même bien plus escarpés.
Tous les sens sont en éveil sur ces premières pentes sérieuses montant vers Camparan.
J’écoute le ruissellement de l’eau omniprésente qui descend les ruisseaux et suinte en de multiples endroits en cascades rafraîchissantes. J’écoute les cloches qui égrènent l’heure dans les villages traversés, Bazus-Aure, Grézian, Lançon. J’écoute le bourdonnement des abeilles sur les sapins. J’écoute les bruits de mon vélo pour tenter de discerner un éventuel problème.
Pour l’instant juste des bruits connus, pédalier qui couine, patin de frein qui frotte sur la jante, petit craquement au dérailleur, roulement du caoutchouc sur le bitume.
Je respire l’odeur des foins. Je me régale de ces couleurs de début de matinée où le soleil gagne lentement sur l’ombre et dissout les dernières brumes..
Je sens mon corps qui répond à tous les obstacles, encore plein de puissance. Il en faut bien pour passer ces chemins où les efforts de la montée sont presque aussitôt annulés par des descentes équivalentes. Cet itinéraire bis est très exigeant.
C’est un peu frustrant d’avoir perdu l’altitude conquise en arrivant sur Bordères-Louron. Et là, direction du col de Peyresourde, l’un des 2 grands obstacles de la journée.
Il est déjà 11 heures mais je dois passer le sommet avant la pause de la mi-journée.
Je fais donc un arrêt casse-croûte d’attente.
Les panneaux d’information indiquent des pourcentages compris entre 6 et 9% de pente. Çà c’est du sérieux, surtout quand il commence à faire chaud. Il n’y a pas beaucoup de virages par ici. Ce sont de longues lignes droites dont je ne vois pas le bout.
En arrivant près du sommet on voit la route qui tourne sur la droite et on s’apprête à poursuivre l’effort. La bonne surprise c’est que le col est juste là et que cette route aperçue se dirige vers une station de sports d’hiver.
Ouf, enfin atteints ces 1569 mètres.
Tant qu’à faire, bien qu’il serait l’heure de manger, autant me laisser emporter dans la descente vers Bagnères-de-Luchon. Çà ne demande pas trop d’énergie et ce sera çà de fait en ces heures chaudes.
Le val d’Oô et le lac éponyme me tenteraient bien, mais çà demanderait un détour chronophage. Donc, gardons le cap sur Luchon.
Je trouve à la sortie de la ville le bon endroit pour me ressourcer. Petit lac des cygnes et des canards.
La préparation du poulet au riz et épices indiennes est simple. Chauffer de l’eau et la verser dans le sachet de produits déshydratés. Je n’ai pas tellement faim car je grignote régulièrement, mais je me force à terminer le plat pour refaire le plein d’énergie.
Après 2 heures d’arrêt, en route vers la deuxième difficulté de la journée, le col du Portillon.
Les bidons sont vides et je dois absolument les remplir avant d’entamer l’ascension. Je tourne dans cette ville d’eau en quête de fontaine, en vain. Il me faut donc passer par la case bistrot.
Je me souvenais des pentes raides de ce Portillon que j’avais escaladées il y a quelques années à la fraîche, de bon matin, plein d’énergie.
Je crois qu’elles sont encore plus raides dans la chaleur de l’après-midi. Ces pentes me demandent un gros effort, à la limite de mes capacités. C’est là que je regrette de ne pas avoir un développement plus petit.
Je voulais avant de partir, au dernier moment, remplacer mon plateau de 30 dents par un 28, mais çà ne se fait plus sur ce nouveau pédalier que j’ai monté la semaine dernière. Il faudrait que je passe en 30 dents à l’arrière au lieu de 28.
Donc, dur, dur, très dur en cette première journée dans ce deuxième col exigeant. Je m’arrête souvent pour calmer le palpitant. Il m’arrive même de pousser ces 30 kilos et je m’essouffle rapidement.
Dès le début de l’ascension me revient une douleur croissante au bas du ventre. C’est un problème auquel je dois faire face certains jours, en général en fin d’après-midi. Le maillot étant trempé de sueur à cet endroit, j’y applique une serviette que je conserve en place. Et, bonne nouvelle, le mal disparaît rapidement. Sans doute ais-je trouvé l’origine de cette douleur récurrente , le froid causé par l’humidité locale.
J’avance quand même à 5 km/h, ce qui n’est pas trop mal et qui me permet de ne pas pousser l’organisme dans ses retranchements dès le premier jour. Il vaut mieux être prudent pour espérer continuer le chemin dans de bonnes conditions.
C’est ainsi que j’arrive au sommet à la limite de la rupture mais avec quelques réserves d’énergie pour la fin du parcours dominical.
Bien qu’aucun panneau ne l’indique on passe ici en Espagne. Me voilà donc en terre étrangère pour 5 jours, si tout se passe comme prévu.
Bossost est vite atteint par cette descente rapide.
Je craignais de devoir côtoyer ici une circulation auto importante sur la nationale vers Vielha, mais c’est plutôt tranquille en ce dimanche soir. De plus le parcours est agréable, sur le bas-côté de la chaussée qui longe le cours de la Garonne.
On devine ici les débordements du torrent lors des inondations du mois de Juin. Routes défoncées en partie refaites, présence de nombreux débris imposants dans le lit du torrent.
On est ici en amont de Saint-Béat qui a subit des inondations catastrophiques.
Pour atteindre Vielha on reprend un peu d’altitude, mais la pente est légère et régulière.
J’arrive à destination vers 20 heures.
La réservation préalable d’hôtel permet d’arriver sans le souci du logement.
Je passe donc la nuit à l’hôtel Orla.
De Vielha à Altron (78 kms)
Au menu de la journée : on monte le matin et on descend l’après-midi.
Dès la sortie de Vielha le tempo est donné : je tourne petit plateau et grand pignon.
La circulation auto est importante mais une large voie est aménagée, à priori pour les cyclistes, bien qu’aucune signalisation n’y fait référence. En tout cas je me sens bien en sécurité.
Je remonte le cours de la Garonne. Ici les traces des inondations récentes sont encore partout présentes. Les travaux de réparation et de consolidation vont bon train. De nombreux chantiers sont ouverts sur cette première partie d’ascension. Des pans de routes ont été emportés par les flots ravageurs.
Quelques villages jalonnent le parcours, un peu à l’écart de la route principale. Ce n’est pas un chemin exceptionnellement intéressant pour le cycliste. C’est une route d’accès aux stations de sport d’hiver, large avec une pente moyenne, régulière jusqu’à Solardi.
La route cyclotouristiquement intéressante pour le voyageur à vélo commence avec les premiers virages.
Après Baqueira, une ligne droite pentue m’obsède par la recherche d’un signe annonciateur d’un changement de direction.
Enfin, voilà de vrais lacets de montagne comme je les apprécie. J’y fais la rencontre d’un couple de Tchèques qui fait un parcours aller-retour de Toulouse à Barcelone.
On arrive aux 2072 mètres du Port de Bonaigua par une ultime longue courbe.
Je trouve que c’est un 2000m relativement abordable. Il me rappelle le Port de Pailhères avec la présence de chevaux d’élevage en liberté.
On y trouve bien les plans d’eau qui justifient l’appellation du lieu.
De nombreuses cascades enchantent la descente. Je freine pour l’instant pour ne pas consommer trop rapidement mon capital altitude. J’apprécie la pente descendante en cherchant le bon coin pour l’arrêt de la mi-journée.
J’opte pour les bords d’un cours d’eau paisible, réserve de pêche. C’est pas mal au niveau du décor mais çà manque un peu d’ombre. Je ne m’y attarde pas, une fois le repas terminé.
Il y a de la descente au programme. Je ne crains donc pas trop la chaleur de l’après-midi.
Je me prends à dévaler ces pentes avec des pointes à 50 km/h. C’est plutôt grisant, mais vu le poids de mon chargement, je n’en abuse pas. Je pense à ce qui se passerait si un pneu éclatait ou se dégonflait subitement à cette vitesse.
L’eau est omniprésente soit sous forme de torrents, ou comme du côté de le Guingetta d’Aneu sous forme d’un lac longiligne où se mirent les sommets alentours.
Peu après Llevorsi le torrent est accessible facilement. J’en profite pour me rafraîchir le corps. Il parait que l’eau glacée est bonne pour la circulation sanguine et qu’elle prémunit des tendinites. Et en plus çà fait un bien fou.
C’est une pause qui ressource et recharge les batteries de la motivation.
Juste au moment de mon passage, des sportifs mettent leur embarcation à l’eau. Après quelques préparatifs de retournement dans l’eau et autres ébats, les voilà partis dans les flots tumultueux. Je ne pense pas que ce soit des débutants.
Voilà Rialp où je trouve une indication pour la direction du petit village d’Altron et du Roch Hôtel où j’ai réservé pour la nuit.
Sur la carte Altron ne semblait pas me détourner de façon conséquente de mon itinéraire normal.
Sur le terrain je peste contre ce choix saugrenu. On y va par un chemin qu’il n’est pas très raisonnable d’emprunter en fin de journée. Là je ressens dans les mollets une douleur musculaire héritée de mes efforts de la première journée intensive.
Heureusement que cette deuxième journée n’a pas été trop exigeante et qu’il me reste des réserves.
J’arrive vers 19h dans ce charmant mais haut perché village. L’accueil est sympathique et de plus le patron parle français, ce qui n’est pas désagréable quand mon espagnol est quasi inexistant.
Una cerveza fresqua por favor ! J’ai quand même appris les rudiments de survie.
L’orage gronde dès mon arrivée.
Le patron me raconte qu’on trouve par ici beaucoup de cèpes. A priori ces champignons n’étaient pas traditionnellement cueillis dans la région. Ce sont quelques Français de passage qui les ont fait connaître et apprécier.
Il parait qu’il a beaucoup plu en Juillet et que la récolte est abondante. Pluies dans les Pyrénées espagnoles et beau temps exceptionnel en France, le changement climatique c’est maintenant.
De Altron à El Pont de Suert (72 kms)
La pluie s’est arrêtée dans la nuit. Le ciel est juste un peu couvert ce matin.
Je dévale la pente que j’ai durement gravie hier soir.
La route qui descend par cette large vallée n’est pas d’un grand intérêt pour le cyclotouriste. Dans les premiers kilomètres.
On descend par paliers un peu monotones. Je baille.
Pour casser le rythme ennuyeux je m’arrête à Gerri de la Sal pour visiter le pont médiéval majestueux au dessus du cours d’eau. L’accès au pont n’est pas évident à deviner. C’est un simple porche. Je suis surpris de voir passer une auto sur cette construction d’un autre temps.
Par ce pont on peut aussi accéder au monastère de Santa Maria Il n’y a malheureusement pas de visite possible de l’intérieur du monument au moment de mon passage.
L’endroit est cependant reposant et vaut le détour.
Après plusieurs tunnels, en voici un par lequel les vélos sont interdits de passage.
Quelle chance de pouvoir ainsi découvrir ce petit chemin de contournement qui longe la rivière.
C’est un bonheur de rouler en toute tranquillité sur ce site exceptionnel des « Congost de Collegats ». L’eau a sculpté la falaise majestueuse teintée de verts et d’ocres . Oubliée ici la première partie du parcours en somnolence. J’en profite pour grignoter quelques aliments de ma réserve, fruits et gâteaux secs.
Au fur et à mesure de mon avancement j’allège ainsi mes sacoches.
En consultant la carte de plus près, je découvre une occasion de ne pas rejoindre cette route de transhumance automobile ennuyeuse vers La Pobla de Segur.
Je ne suis pas fâché de changer de direction pour un chemin mieux adapté au voyage à vélo en direction du village de Pujol.
Mieux adapté, c’est ce que j’imaginais. Surprise, la route n’est pas bitumée et çà monte raide, mais la pente était prévisible pour s’extraire de la vallée.
En avant pour l’aventure !
Quand je dois me mettre debout sur les pédales les pneus patinent sur ces cailloux. Dans les portions les plus pentues je pousse l’engin à pieds. Enfin voilà quand même de l’animation pour tenir mes sens en éveil et mettre un peu d’inconnu au programme.
Dans les premières pentes je peux admirer les fameuse gorges parcourues tout à l’heure. Ce chemin sent la campagne, les étables.
La progression vers Pujol est lente. Je prends le temps d’apprécier ce chemin inattendu. J’ai juste une inquiétude sur la distance qu’il me faudra ainsi parcourir sur les cailloux.
Heureusement çà s’arrange après le village endormi où je ne vois pas âme qui vive.
Peu après une belle vue sur le village de Peramea s’offre à moi sur la droite. Je fais un petit détour pour la photo, puis direction Bretui et Moncortès. La route est superbe. Les champs sont d’un vert lumineux. Le bord du chemin est souvent abondamment fleuri.
Je me fixe pour objectif d’atteindre l’Estany de Moncortès pour l’arrêt pique-nique car il est déjà près de 14h. Le temps légèrement couvert me permet de rouler agréablement encore à cette heure.
Je m’installe sur les berges de l’étang. Quelques promontoires sont aménagés autour du plan d’eau et certains en profitent pour s’élancer à la nage.
Le repas avalé, je ne traîne pas longtemps car la météo permet d’avancer et je crains l’arrivée d’un orage en soirée. Quand je rejoins la route « normale » de El Pont de Suert après ce détour champêtre, j’ai perdu une grande partie de mon capital altitude engrangé ce matin.
Peu importe, il ne fallait pas rater cet itinéraire enchanteur.
Au croisement de Sentenada je rejoins à la terrasse d’un café un couple de Français qui a fait les jours précédents le même parcours que moi et ils ont pour ce soir la même destination. Ils sont jeunes et font du camping sauvage.
Après une longue et fastidieuse remontée très progressive on trouve bientôt un brusque changement de déclivité.
La bière consommée tout à l’heure ne m’a pas été bénéfique. Une petite pause s’impose pour avaler quelques remontants.
Il m’arrive de temps en temps de me sentir vidé de mon énergie, faible et tremblant. Peut-être une baisse de tension, qui disparaît rapidement après ingestion de quelques aliments et une petite pause. C’est bien ce qui se passe ici où je me retrouve maintenant en pleine possession de mes moyens pour attaquer cette montée vers le col de Creu de Parvès.
L’ascension est facile car je n’ai pas dépensé depuis ce matin beaucoup de mes réserves. Il m’en reste sous la pédale et j’apprécie l’effort .
L’orage n’est pas très loin. Le tonnerre gronde et des éclairs zèbrent le ciel. Mais il me semble que j’ai encore de l’avance sur lui et n’y prend pas trop garde, sinon pour capturer des photos de ce ciel sombre au dessus de paysages ensoleillés.
Le col à 1350m est franchi après le village de Pervès, alors qu’il est indiqué avant sur la carte.
Après un deuxième col qui suit de près le premier, c’est la plongée vers El Pont de Suert. La route crevassée ne m’incite pas à rouler trop vite malgré la forte pente. Les patins de freins ont du perdre quelques millimètres ici.
J’arrive vers le plan d’eau aux alentours de 19h30.
Les derniers rayons de soleil me permettent d’apprécier les différentes nuances dans les couleurs de l’eau.
Ce soir j’ai mangé une crêpe salée à la farine de blé avec Roquefort, noix et miel, suivie d’une excellente salade composée.
De El Pont de Suert à Barbastro (114 kms)
Après un petit déjeuner copieux composé de tartines de pain, jambon et diverses charcuteries, me voilà parti à la recherche du petit chemin pour monter vers le village de Cirès.
Je ne vois aucune indication à l’endroit où je situe la route d’après ma carte.
Je demande la direction à un passant en précisant que je ne comprends pas bien l’espagnol. Il m’explique plein de choses auxquelles je ne saisis pas un mot. En tout cas il ne m’indique pas de chemin dans les parages mais un détour par les grandes routes que je souhaite justement éviter.
Je prends, un peu résigné cette option en me renseignant à nouveau un peu plus loin. Un jeune homme parlant un peu français m’indique clairement la route que je cherche. Ouf ! Sauvé !
Heureusement que nous sommes le matin, moment où l’énergie est à son maximum et dommage que mon petit développement s’arrête au 30x28. Ca monte raide et j’en profite si on peut dire pour pousser le vélo en marchant pour éviter la casse de rayon par excès de tension. La route est sympathique malgré la difficulté.
Un premier indice m’inquiète quand même. Le chemin est bien défoncé à l’entrée de Cirès. Dans le village, des amas de terre et un cul de sac !
Des ouvriers m’informent que la route a été emportée par un glissement de terrain.
Je ne m’imagine vraiment pas revenir sur mes pas pour reprendre les grandes routes. Je comprends à ce moment que mon premier indicateur était peut être au courant de l’état de la chaussée et que vue la pente il n’imaginait même pas qu’on puisse y passer à vélo.
Le problème est que le chemin alternatif indiqué par les ouvriers ne figure pas sur ma carte. En tout cas une seule possibilité à l’endroit indiqué, une route empierrée, mais aucun panneau indicateur, pas plus qu’il y en avait en bas pour indiquer la route impraticable.
Me voilà à nouveau parti pour près de 5 kms de VTT. Mais je ne suis pas au bout de mes surprises et ce qui me gène le plus est de ne jamais voir la moindre indication qui annoncerait le village de Bonanza que je dois rejoindre.
Le sol est défoncé et s’avère être un chemin de randonnée pédestre. Non, les Pyrénées espagnoles ne souffrent pas de sècheresse. Je patauge dans des flaques d’eau boueuses qui barrent complètement le passage. Je dois nettoyer les jantes pour tenter de retrouver un freinage normal sans rayer mes jantes.
Bon, ici, que prendre, le GR ou le semblant de chemin forestier ?
Une personne qui me double en véhicule tout terrain me confirme quand même que le suis dans la bonne direction. Ça fait vraiment du bien d’écarter l’hypothèse du retour en arrière quand on galère depuis plus d’une heure.
Je n’y suis pas encore mais le moral va mieux.
J’aperçois le village mais il faut encore faire un sacré détour sur la caillasse pour y arriver. Pas super le chrono ! Près de 3 heures pour 10 kms et il m’en reste 90 d’ici ce soir.
Arrivé sur la route principale, évidemment aucune indication à la sortie de mon chemin de terre.
J’imagine que le village est au point culminant, ou plutôt je n’imagine rien et fonce naturellement dans la descente vertigineuse. Après 3 kms je m’arrête, un peu intrigué par un panneau qui indique une direction sur la gauche que je n’avais pas prévu d’après la carte.
Méprise, grosse méprise, j’ai pris la direction opposée à mon objectif !
J’ai bien précisé que la descente était vertigineuse. Et bien la remontée sera par la même route avec la pente dans l’autre sens.
Sans doute pour me narguer, je vois pour la première fois en Espagne des panneaux qui indiquent les pourcentage de dénivelé tous les kilomètres. Donc, pour résumer, sommet à 4 kms, pente moyenne entre 6 et 7%.
Une décision s’impose : manger pour ne pas craquer.
Normalement le Puerto de Bonanza à 1380 mètres est le point culminant de la journée et je dois descendre tout le restant de la journée en direction de Barbastro.
Il est très agréable d’imaginer une après-midi normalement favorable, sans trop transpirer car il fait bien chaud aujourd’hui.
J’apprécie d’autant plus de me laisser aller dans le vent après la galère de ce matin.
Des locaux font le plein de bidons à une source, j’en fais de même.
Je traverse des gorges majestueuses en passant quelques tunnels.
Toute l’après-midi je suis le cours de Rio Isabena.
Vers 14h je m’arrête dans un camping au milieu de nulle part pour manger à l’ombre près de la piscine.
Le décor par ici est plutôt vert contrairement à ce que j’avais imaginé pour cette vallée isolée.
A partir de Serraduy les cigales m’accompagnent bruyamment.
Peu de circulation dans les parages. Je continue ma descente de la A1605 quand je croise une moissonneuse batteuse. Hallucination ? Effet de la chaleur ? Je n’ai pas pour le moment vu aussi loin que portent mes yeux la moindre parcelle de céréales. J’en verrai dans les kilomètres qui suivent où les cultures de blé, vignes et pâturages apparaissent progressivement.
Je peux également témoigner pour avoir senti, vu et entendu de la présence de nombreux élevages de porcs.
A Capella je fais une pause à l’ombre du superbe pont romain..
A la sortie de Graus j’ai le plaisir de prouver une excellente piste cyclable le long de la route principale. Le revêtement est parfait et bien roulant.
Pour éviter de rejoindre un peu plus loin une route plus importante avec de nombreux tunnels, je laisse à regret la belle piste cyclable pour ce qui me semble être un chemin plus favorable aux vélos.
Comme imaginé, cette première partie de route est bien agréable, en pente raisonnable sur un revêtement de velours vers un petit col.
La route correspond à ce que j’attends pour une indication en jaune bordé de vert sur ma carte.
Mon appréhension concerne la bifurcation suivante pour prendre une route en blanc sur la carte.
Au carrefour espéré, point d’indication, point de route digne de ce nom, juste un sentier empierré comme j’en ai pratiqué ce matin et en regardant de près , un petit panneau de bois sur lequel on devine le dessin d’un vélo.
Voilà ma galère du soir. 5 kms entre marche et recherche d’équilibre quand j’ose monter sur le vélo. Et toujours cette incertitude d’être sur le bon chemin.
Les Espagnols ont des progrès à faire dans la signalisation des routes et tant que j’en suis dans les critiques pour me défouler, la protection des monuments historiques n’est pas non plus leur fort si j’en juge par ces multiples supports d’antennes imposants qu’on voit ici sur un monastère, là sur les hauteurs d’un village pittoresque perché.
Par contre, bravo, pas un seul panneau publicitaire à l’approche des villes et pas de centres commerciaux en périphérie.
Donc, j’en suis sur mon chemin de traverse à guetter des indices qui pourraient me confirmer que je vais là où je souhaite aller.
En voilà un, une grande route, loin en contrebas avec une succession de tunnels, celle-là même qui justifie mon détour un peu secoué par ici.
Un nouvel indice m’indique que je me rapproche de la civilisation. L’odeur de porcheries ne m’a jamais semblée aussi rassurante. Qui dit porcheries, dit normalement chemin praticable d’accès.
En effet, je me dirige à l’odeur et trouve le village prévu de Olvena.
Et là, pour une route çà en est une belle, à nouveau un revêtement de luxe et une belle descente vers la grande route.
C’est décidé, je ne recherche plus de raccourci, je suis la nationale et ses indications rassurantes jusqu’à Barbastro.
Cette grande route n’est par ailleurs pas trop fréquentée, en descente, et comme souvent une large bande est praticable sur le bas-côté pour rouler en toute sécurité.
J’arrive à 20h30 après une journée bien mouvementée.
De Barbastro à Ainsa (94 kms)
Après avoir profité d’une après-midi de descente hier, je dois aujourd’hui regagner un peu d’altitude. Il n’y a pas pour autant de difficulté majeure, pas de grand col pour cette journée. Le profil altimétrique calculé par OpenRunner ne dépasse pas les 900m. Vu la distance à parcourir de près de 100 kms, je parts dès 7h, dès que l’hôtelier m’ouvre le garage.
La ville de Barbastro étant assez étendue, j’avais pris la précaution d’imprimer précisément l’itinéraire de sortie. Je trouve donc facilement la grande route qui m’éloigne de la ville.
Le soleil levant colore fugitivement le ciel de rouge.
Sur les hauteurs se dresse le Monasterio el Pueyo remontant au 13ème siècle. Malheureusement il est enlaidi par la présence sur les toits de ces affreuses antennes imposantes..
Au village de Peraltilla, changement de cap pour aller vers le nord, vers la montagne.
Dans les régions par lesquelles je suis passé, la route principale ne passe pas souvent dans les villages qui se tiennent un peu à l’écart. On y accède souvent par une pente raide. Ayant fait ici le détour par le village, je ne trouve aucun panneau d’indication pour ma direction..
J’aurais juste dû continuer un peu sur la nationale pour trouver l’embranchement.
Sur le parcours je remarque les églises d’Azara et d’Azlor construites au pied de pitons rocheux, curiosités qui me sortent un peu de la somnolence provoquée par la monotonie de ce début de journée.
Les hirondelles volent bas, les mouchent qui m’assaillent aussi.
Sur les hauteurs d’Abiego on a un beau point de vue sur la ville et ses alentours et on distingue les sommets pyrénéens qui émergent à peine des nuages.
Je fais le petit détour nécessaire pour visiter Adahuesca à la recherche de quelque chose qui pourrait ressembler à une boulangerie. Rien de tel en vue. Le village est endormi en ce 15 Août, mais je ne vois de toute façon pas de commerce.
A la sortie du village je suis un peu perdu par la présence d’une route , sans doute nouvelle, qui ne figure pas sur ma carte et où des panneaux indiquent la direction de Barbastro d’où je viens. C’est donc un peu inquiet que je dévale les virages. Je retrouve heureusement un peu plus loin ma petite route pour Colungo qui monte enfin. Je commençais à avoir des fourmis dans les jambes.
Il est près de midi. J’aurais bien mangé au restaurant aujourd’hui, mais ici on ne sert pas avant 14h. Je préfère tout de même faire ma pause comme je roule depuis 5 heures, avant d’attaquer la pente vers un petit col qui approche, le Collado de San Capracio.
Malgré l’ombre, il fait plutôt chaud sous mon arbre. Je repars donc assez vite pour trouver un peu de ventilation en roulant.
Cette route est à la limite du Parc de la « Sierra y los Cañones de Guara », très prisé des sportifs et randonneurs pour ses paysages spectaculaires. L'action érosive des rivières et du vent a sculpté cette étonnante structure de canyons étroits et de défilés grandioses, fascinante pour les amateurs de canyoning.
Quelques points de vue permettent d’admirer l’entrée de quelques une de ces merveilles de la nature.
Cette route est assez intéressante mais j’avais imaginé des paysages plus grandioses en bordure de ce parc.
Après Colungo les paysages me rappellent les Gorges du Verdon, en mois spectaculaire.
Sur la suite du parcours, je m’imagine sur les routes vallonnées du Vaucluse, du côté de Saint-Saturnin-lès-Apt.
Je suis presque à sec et je ne vois pas par ici beaucoup de fontaines. Je fais le détour par plusieurs villages et trouve le robinet public salvateur pour la soif et le rafraîchissement.
J’apprécie en cette fin d’après-midi quelques passages à l’ombre de bois de pins, oasis de fraîcheur.
Sur les hauteurs de fin de parcours je distingue de plus en plus nettement la haute montagne qui m’attend vers le nord demain.
J’aurais davantage apprécié la descente vers Ainsa si à nouveau je n’avais pas eu le droit à une route défoncée en travaux.
Le chantier qui s’étire sur plusieurs kms est impressionnant. La route est élargie en rognant sur les parois rocheuses. Une grosse machine concasse les gros blocs en petits cailloux.
J’arrive après 10 heures de ballade à destination à Ainsa.
L’hôtel est à l’écart de la ville vivante.
Après installation, douche, une bière puis deux, je patiente jusqu’à l’heure espagnole du dîner à partir de 21h. Ce soir c’est buffet total à volonté pour 14 euros.
De Ainsa à Saint-Lary (97 kms)
Ce matin je suis levé tôt pour partir au lever du jour dans le but d’éviter au maximum la circulation sur la route du retour en France par le tunnel de Bielsa-Aragnouet.
A 6h du matin, pas question de petit-déjeuner à l’hôtel. Je me prépare donc le repas dans la chambre. Parmi les quelques sachets d’aliments lyophilisés qui me restent un petit hachis Parmentier devrait faire l’affaire.
La courbe de dénivelé de la journée est simple. On monte de 500 à 1800 m sur près de 50 kms, puis on redescent jusqu’à destination pendant 20 kms.
Me voilà donc parti avant le lever du soleil. Cette première partie du chemin est plaisante : rares véhicules, pente légère et progressive. On suit le cours du Rio Cinca et la vue porte sur les sommets environnants.
On traverse sur près de 1,5 kms les gorges des « Congost de las Devotas ».
A part une courte portion indiquée à 10%, je ne ressens pas vraiment cette montée progressive
jusqu’à Bielsa .
Au niveau du village, part sur la gauche une route qui me tente vers la vallée de la Pineta, vallée qui s’enfonce dans le Parc National de « Ordesa y monte Perdido ».
Çà démarre très raide à la sortie de Bielsa, puis ensuite, bien que je ne m’en rende pas vraiment compte, çà doit monter légèrement pendant 14 kms..
Je recherche en progressant un coin pique-nique bien situé pour mon dernier repas de la semaine dans la nature.
Je commençais à désespérer et à regretter d’avoir fait ce détour quand j’ai trouvé l’endroit idéal dans le cours de ce Rio Cinca que je longe depuis ce matin.
La vue est superbe sur les hauts sommets alentours encore recouverts de quelques zones neigeuses.
A l’ombre, les pieds dans l’eau dans ce décor de rêve, c’est un bien appréciable dernier pique-nique.
Je sais tout de même qu’il me reste à monter la portion la plus difficile avant d’arriver au tunnel.
En repassant à Bielsa, je prends le temps d’apprécier une boisson rafraîchissante. Au moment de partir arrive une petite averse orageuse que je n’avais pas vu venir.
J’attends que çà se passe, puis en avant vers le sommet.
Comme prévu, la pente est sévère, entre 10 et 15% sur de longues lignes droites.
Bien que je sois en pleine forme, que les nuages aient eu la délicatesse de me prémunir de la grosse chaleur, je dois faire quelques haltes avant de parvenir au niveau du tunnel.
Ce n’est pas un problème, je ne suis pas pressé d’en finir avec ce parcours et je suis dans les temps.
Dans la montée le tonnerre gronde et soudain les vannes célestes s’ouvrent.
Incroyable, j’ai juste le temps de me réfugier sous une sorte de hangar providentiel.
Je me demande à quoi il peut servir quand je vois un minibus s’y garer pour prendre un groupe de personnes équipées pour quelque chose comme du rafting. Apparemment ils se servent de l’abri pour s’équiper.
J’attends là tranquillement au sec et je peux rapidement repartir dans une atmosphère rafraîchie.
J’appréhendais un peu ce tunnel, passage obligé pour le retour sur Saint-Lary.
Les panneaux indicateurs me renseignent sur la configuration.1664m côté espagnol, 1821m côté français, pente moyenne de 5% sur 3 kms.
La circulation auto est régulée alternativement dans un sens puis dans l’autre par des feux, je crois à cause de travaux d’amélioration.
Je laisse passer la file de véhicules à l’attente, puis je m’élance pour ces 3 kms.
J’arrive à la moitié du chemin avant de me faire doubler par le flot de véhicules suivant. Comme la voie dans l’autre sens est libre, les véhicules me doublent en toute sécurité.
Souhaitant y passer le moins de temps possible, je maintiens dans la mesure de mes capacités, un rythme rapide.
A la sortie du tunnel il pleut à nouveau à flots. Pas de problème, j’attends 10 minutes à la sortie du boyau et l’orage passe, laissant la montagne parsemée de gros nuages laiteux.
Bien recouvert dans cette atmosphère humide et fraîche, je me laisse couler doucement vers la fin de ce voyage de 542 kms.
A peine arrivé, les pluies d’orage recommencent de plus belle. J’ai vraiment eu de la chance au niveau météo tout au long de la semaine et particulièrement aujourd’hui où je suis passé entre les averses.